Grand amoureux de la liberté, sans tabous et sans implication de Dieu, le Marquis de Sade était un écrivain et humaniste français du siècle des Lumières. Son œuvre, qui est à la fois la théorie et l’illustration de ce qu’on désignera par « le sadisme », forme le double pathologique des philosophes et des naturalistes de son époque. Laissez-nous vous parler du « plus célèbre des hommes obscurs ou le plus obscur des hommes célèbres ». Car il a osé écrire ce que personne n’a jamais osé…, son nom fascine encore et toujours depuis plus de deux siècles. Voici l’histoire du Marquis de Sade.
L’héritier d’une famille de libertin
Né le 2 juin 1740, Donatien Alphonse François de Sade est issue d’une famille de la noblesse provençale dont l’avenir semble tout tracé. À 10 ans, il entre au lycée Louis-Le-Grand où il apprend le latin et se découvre une passion pour le théâtre avant d’intégrer à 14 ans l’École des chevau-légers de la garde du roi à Versailles. Sade intrigue et inquiète dès son plus jeune âge.
Il épouse en 1763 Renée-Pélagie de Montreuil. Un mariage arrangé par les familles des deux époux, mais, moins de six mois après, c’est l’affaire Jeanne Testard, une prostituée occasionnelle, qui accuse le marquis de sévices et de blasphème. Les faits sont si graves que le Marquis de Sade est arrêté et emprisonné au donjon de Vincennes.
La première réclusion criminelle d’un homme qui passera au total 27 années derrière les barreaux, espacées de périodes de liberté. Il nourrit dès lors une haine viscérale de la justice et des lois.
Sade : Un pervers sans foi ni loi
C’est la succession des scandales qui vont porter au public la connaissance du nom de Sade. Ainsi, en 1768, le marquis est à nouveau condamné pour pratiques blasphématoires et sévices sur une jeune femme à qui il avait proposé une place de gouvernante. Il se retire, après sa libération, en Provence sur ses terres de Lacoste où il séjourne avec sa femme et ses enfants.
Le Marquis de Sade qui voyage, dans les années qui suivent, avec sa maîtresse qui n’est autre que la sœur de sa femme, organise alors des représentations théâtrales. Il est impliqué dans plusieurs affaires qui vont définitivement sceller son destin. Le marquis est accusé d’avoir tenté d’empoisonner des courtisanes, d’avoir pratiqué la sodomie, passible d’une condamnation à mort à l’époque.
En 1775, a lieu un scandale sans précédent, dont on sait peu de choses : l’affaire des « petites filles » qui implique cinq très jeunes filles et un garçon ayant séjourné dans la demeure du marquis. Ce dernier aurait subi sévices et mutilations. Si Sade fuit un temps en Italie, la justice le rattrape et il est incarcéré pendant treize ans à Vincennes, Paris puis Charenton. Il occupe alors son temps à lire (pas moins de 500 livres) et à s’empiffrer de pâtisseries.
“La cruauté, bien loin d’être un vice, est le premier sentiment qu’imprime en nous la nature ; l’enfant brise son hochet, mord le téton de sa nourrice, étrangle son oiseau, bien avant que d’avoir l’âge de raison.” Marquis de Sade, La philosophie dans le boudoir.
Le Marquis de Sade et la Révolution
Incarcéré à la Bastille, Sade aurait pu jouer un rôle d’importance dans la prise de la prison parisienne. En effet, dix jours avant que la Bastille ne tombe et ne devienne l’emblème de la Révolution française, il hurle alors que les prisonniers sont en train d’être égorgés. En réalité, à cette date, la forteresse est déjà presque vide. Inquiet de l’effet que pourraient produire ses propos, le directeur de la prison le fait évacuer dans la nuit du 3 au 4 juillet vers Charenton.
Sade, libéré le 2 avril 1790, intègre en 1792 la section des Piques où il y retrouve Robespierre qui le déteste profondément. Le marquis est alors perçu comme trop subversif, trop révolutionnaire. Il remet en cause l’idée des lois et de la responsabilité collective. Radicalement opposé à la peine de mort et profondément athée, il prône la déchristianisation de la France.
Après avoir été accusé de trahison, Sade échappe de peu à la guillotine. Il renonce par la suite à tout engagement politique. La production d’ouvrages clandestins pornographiques lui assure alors sa substance. En 1801, la police perquisitionne chez son imprimeur et il est arbitrairement condamné. Sade meurt après 13 ans d’internement dans l’asile de Charenton.
Écrivain débauché
« Il faut oser parler de Sade ; le marquis est avant tout le symbole de la liberté. Homme libre au-delà des prisons. Esprit libre au-delà des siècles ! »
Sade n’est pas qu’un libertin débauché, il est aussi un écrivain de génie. S’il écrit « Les cent Vingt Journées de Sodome » en 1785 alors qu’il est en prison, son premier ouvrage publié est « Justine ou les malheurs de la vertu » en 1791, même s’il a déjà plus de 50 ans. Une œuvre sur laquelle Sade reviendra à de nombreuses reprises au cours de sa vie et qui connaîtra aussi une suite intitulée « Histoire de Juliette, ou les Prospérités du vice ». Son œuvre inachevée des « Cent Vingt Journées de Sodome », rédigée sur des rouleaux de papier de 12 mètres de long, fait la recension de toutes les perversions humaines.
Pourquoi le Marquis de Sade a-t-il tant marqué les esprits ? Si sa vie privée fut certes contestable, il n’a vraiment pas été très discret. Sa vie sexuelle a plus été rêvée que vécue. Sade a dû se contenter d’écrire des fantasmes à défaut de pouvoir les satisfaire pendant ses trente années de réclusion. Même s’il n’est pas pour autant réhabilité, le marquis de Sade demeure « cette éternelle auberge espagnole, dans laquelle chacun trouve ce qu’il apporte, voit ce qu’il veut y voir, comprend ce qu’il veut y comprendre ».
Bibliographie
– Marquis de Sade, l’ange de l’ombre, de Gonzague Saint Bris. Edtions Telemaque, 2013.
– Faut-il brûler Sade ? de Simone de Beauvoir. NRF, 2011.
– Géo.fr