Accusés, levez-vous ! – chapitre 16

Accusés

Moi, je n’avais pas faim en plus si j’en achetais aussi pour moi, on ne pourrait pas finir la semaine. Il mangea copieusement sans me demander pourquoi je ne mange pas.

Cette nuit, je reçus un message d’Alex, me demandant qu’on se voit encore le lendemain, chose que j’acceptai sans y réfléchir une seconde.

Il voulait encore me voir, il voulait encore me torturer.

Ce mardi étant ma journée de repos, on passa toute la matinée ensemble avec son ami Ben et on parla de tout et de rien. Il me raconta comment a évolué ses études au Sénégal et dans la foulée, j’appris qu’il était toujours célibataire :

  • Et toi ? Dis-moi, tu as un petit ami ?
  • Euh, non, pas vraiment… Enfin, pas à ma connaissance…

Ils se mirent à rire avant que je ne me rende compte que ma réponse était un peu stupide.

  • C’est bien, heureusement, tu es célibataire…

Cette réponse m’intrigua…

Son ami Ben était d’une beauté singulière. Il avait un corps svelte contrairement à Alex qui était un peu plus musclé. Il avait tendance à rire ou sourire à tout ce qu’il disait, je dois dire qu’il rendait cette rencontre plus détendue pour moi, je le prenais un peu comme une échappatoire.

  • Hé, Lucienne, tu veux une glace ? Me demanda son ami quand il en vit passer.
  • Oui, j’adore les glaces, surtout à la vanille…
  • Ah oui, dit Alex, elle adore les glaces, c’est vrai.
  • Ok, une tournée pour nous trois alors…

Les jours passaient et on se voyait tous les trois, de plus en plus. Je gardai toutes ces soirées secrètes à Rania pour qu’elle ne me pose pas trop de questions et se mêler de ce passé que je ne pouvais, mais voulais garder enfoui. Un jour, il insista tellement pour me ramener chez moi que je n’eus pas le choix. Je priais en cours de route que mon père ne soit pas là, ce serait trop désagréable. Manque de bol, c’est lui justement qui nous accueillit, il était moins soul, c’est déjà ça.

  • Bonsoir papa…
  • C’est quoi ? D’où viens-tu avec ces gens ?
  • Ce sont des amis…
  • Des amis hein, tu couches déjà avec les garçons de Lomé là non ? J’espère au moins qu’ils ont de l’argent hein…
  • Papa, non, arrête de dire ça s’il te plait, ce sont des amis…
  • Bonsoir Monsieur, saluèrent les garçons…
  • Ah, vous avez une voiture quoi… Pardon, venez les enfants, venez-vous asseoir, vous n’êtes pas n’importe qui hein…

Il se leva et les fit asseoir dans notre vieux canapé. J’avais tellement honte.

  • Alors, dites-moi, lequel d’entre vous est venu la prendre ? Moi, je ne suis pas cher…
  • Seigneur !!!, m’exclamai-je…
  • Papa, s’il vous plait, reprit Alex, nous ne sommes que des amis. On était sortis et nous avons juste voulu la raccompagner, c’est tout…
  • Lucienne, dit mon père en se tournant vers moi, donc toi, personne ne veut de toi quoi. Shuan, il cracha par terre, moi je sors. Pardon mes garçons, vous n’avez pas un petit billet pour votre vieux père ?
  • Bien sûr papa, Alex sortit un billet de 5 000 Frs et le lui remit avant qu’il ne sorte.
  • Eeeh alléluia, toi tu es un bon, mon enfant, que nos ancêtres te bénissent…

Durant toute cette scène, j’étais si sidérée et honteuse que je n’eus pas le courage de lever la tête, tout en faisant un effort surhumain pour contenir mes larmes.

  • Mais que se passe-t-il ici Lucienne ? Me demanda l’ami d’Alex
  • C’est vraiment ton père ? Reprit Alex
  • Écoutez, je suis vraiment désolée les gars que vous ayez assisté à ce spectacle. C’est mon père et parfois… Il est un peu…enfin…un peu maladroit, veuillez l’excuser.
  • Mais non, c’est ce que tu vis tout le temps ? Et ta mère ?
  • Ma mère… Elle n’est plus, elle est décédée il y a trois ans…
  • Oh non, Lucie, je suis vraiment désolé, vraiment désolé, c’est tellement triste tout ce que tu racontes là…
  • Oh non, les garçons, je n’ai pas besoin de votre pitié, faites comme si vous n’avez rien vu ni entendu, je vous en prie, je n’ai pas besoin de lire de la pitié dans vos yeux à chaque fois que je vous verrai, s’il vous plait.
  • Mais, Lucie…
  • Alex, s’il te plait, lui coupai-je. Je pense qu’il est temps que vous rentriez, il se fait tard.
  • D’accord, comme tu voudras.

Ils se levèrent pour partir, mais avant, Alex se retourna et me serra si fort dans ses bras. Cette étreinte valait tout le réconfort et l’or du monde.

Je pleurai toute la nuit, ne sachant vraiment pas ce qui me faisait le plus mal : l’humiliation subie, le fait qu’il ait voulu me vendre, le fait qu’Alex sache que je vis dans un taudis, son étreinte qui me rappelait que j’avais plein de questions à lui poser, que ce que je ressentais pour lui est toujours présent ? …

Alex et Ben essayèrent de me joindre toute la nuit, mais je ne décrochai ni ne répondis à leurs messages. Je leur fis savoir qu’à cause de mes examens, je préfèrerais qu’on ne se voie pas dans la semaine, je devais me concentrer au maximum ; ils respectèrent mon choix. Pour Rania, je prétendis que c’est le stress de la dernière année qui jouait sur mon humeur, je devais avoir ma licence cette année.

 

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