De la Côte d’Ivoire à la Libye, de l’Égypte au Gabon, ils sont des millions à utiliser le tramadol, en détournant son usage. Il est pris pour mieux travailler, mais surtout pour encaisser la misère et l’épuisement. Regard sur un produit pharmaceutique qui à lui seul, fait des ravages sur tout un continent.
L’antidouleur du pauvre
Le tramadol est la « cocaïne ou l’antidouleur du pauvre » en Afrique. En pharmacie, il est dosé à 50 mg, mais celui vendu dans la rue est surdosé (sans doute pour renforcer la dépendance). Les consommateurs ignorent que le tramadol est un dérivé de l’opium. Il est classé comme un opioïde faible, pourtant, à dose normale, il peut déjà créer une addiction et provoquer des effets secondaires sérieux.
Il n’existe pas de données fiables sur le nombre de consommateurs en Afrique, mais devant l’emprise de ce produit, certains pays comme l’Égypte réclament son interdiction pure et simple. Ce qui suscite l’indignation des milieux médicaux, car dans la plupart des hôpitaux africains, le tramadol est considéré comme un antidouleur indispensable (certains services de pédiatrie l’utilisent pour traiter les enfants souffrant de cancer).
Les effets effroyables du tramadol
À forte dose (généralement au-delà de 400 mg par jour), les effets secondaires du tramadol s’avèrent dévastateurs. Ces effets sont encore plus amplifiés avec un mélange d’alcool. Hallucinations, crises d’épilepsie, profonde dépression respiratoire, coma, mort… telles en sont les conséquences.
L’abus de Tramadol gangrène ainsi chaque jour le continent africain dans l’indifférence générale. L’Afrique n’est toutefois pas la seule concernée, car la crise des opiacés est mondiale. En 20 ans, elle a fait plus de 300.000 morts aux États-Unis et menace aussi l’Europe.
Un fléau aidé par la contrebande
Le tramadol en lui-même n’est pas illicite. Il ne l’est que lorsque sa dose franchit la barre des 50 mg, ou lorsqu’il est importé sans autorisation préalable. Fabriqué par des laboratoires pharmaceutiques chinois et indiens, le tramadol surdosé entre en Afrique de l’Ouest grâce à la contrebande. En 2016 par exemple, les contrôleurs douaniers du Togo ont découvert avec stupéfaction un conteneur dissimulant 10 tonnes de Tramadol destinées au Nigeria.
Les médicaments de contrebande parviennent assez facilement jusqu’aux revendeurs. Un comprimé de 120 mg se vend à 200 francs CFA, soit 30 centimes d’euro. Ainsi le fléau continue de gagner du terrain. À la ville comme à la campagne, de plus en plus de jeunes se retrouvent à la dérive à cause de leur addiction au tramadol. Faire de la prévention semble une urgence absolue, mais pour beaucoup de jeunes, il est déjà trop tard.
Malheureusement dans plusieurs pays africains, il n’existe pas de centre de désintoxication pour leur venir en aide. Il y a ceux qui meurent de crises cardiaques, et les survivants eux, sont pris comme des fous et envoyés dans des asiles. Rares sont ceux qui atterrissent dans de meilleurs centres de prise en charge. Sans soutien, les victimes rechutent la plupart du temps, piégées par leur dépendance.
Le Tramadol est le deuxième médicament le plus falsifié en Pharmacie