Les instants pudiques des condamnés

Les instants pudiques des condamnés

« Couvre-moi d’une nuit sans détails
D’une nuit assez légère pour repartir le lendemain
À une vie plus courte que celle d’une étoile accrochée à une cage en pierre ».
Lui disait-elle…
Ils se rendent visite non loin de la cellule 823.

Là où l’âme de l’âme fut exécutée.
Son pied consent au crime de l’oubli.
Son verbe aussi.
L’oubli,
De la terre.
L’oubli,
De la peau.
L’oubli,
De la surprise qui côtoie la merveille.
Sous la surveillance du geôlier, la parole est traquée, voilée,
Ils se touchent des yeux, ils se libèrent de tant de cécité,
Ils pleurent ensemble dans ce long couloir d’écailles brodé
Ils prennent appui sur la honte de n’être plus eux-mêmes.

Elle prend sur lui.
Il prend sur elle.
Psalmodier le même serment sacré.
Se lier.
Sans youyou, ni robe en nuages pour la femme du parfait.
Les cœurs entre les mains, les chaînes par terre.
Rien ne leur fait défaut à part un espace si étroit où leur destin refuse de se croiser.
Sont-ils assez fous de croire que le monde ensemble leur va si bien ?
De se briser contre un demain peut-être encore condamné ?
Faute de goût,
Faute de frappe,
Faute d’avoir voulu s’accrocher à un rêve en peau de chagrin,
Vie après vie,
Exil après exil,
Sont-ils encore vrais ?

« Je n’ai jamais existé avant toi et je ne serai jamais après toi »
La prophétie disait que les mots allaient être abattus en plein vol
Pourtant
Ils coulent encore
Ils disent encore
« Nous n’avons que nous ».
« Notre âme, de nous ne s’est jamais défaite »

Les instants pudiques des condamnés

Ce fut comme une oraison humble et imparfaite
Le sang d’une rose et la cendre d’un palmier.
La visite est terminée.
Vous devez quitter
Le parloir est déserté.
Regagnez vos cellules. Partez.
La liberté n’était pas un enfant à sacrifier.
Vous voici encore béants.
Parmi les fauves.
Prisonniers.
Partez.

Paris 2019, texte inédit

 

Crédit photo : Pexels

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